David Frum, Kenneth Adelman et Richard Perle
Rien ne pouvait aller plus mal aux récentes élections du Congrès pour le président George W. Bush, guignol des seigneurs de l'extrême droite de l'Amérique, les « néoconservateurs ». Son parti, qui s'est donné l'aura des puritains, est actuellement en train de récolter les fruits de ses actes aventureux tels que la situation en Irak, un deuxième Vietnam. Ce parti doit rendre compte de la corruption flagrante et des scandales spectaculaires du lobbyiste Abramoff et du gouverneur de l'Ohio, Bob Taft. Le parti de Bush a subi pour la première fois depuis douze ans une défaite cuisante et a perdu la majorité au puissant Sénat, ainsi qu'àla Chambre des Représentants états-uniens.
En effet, sur le plan international il y a un tournant : le Président de l'État le plus puissant du monde, George W. Bush, est désormais considéré par les habitants du globe comme un « mauvais garçon ». Lui qui avait encore pompeusement présenté en 2002 Cuba, la Libye, la Syrie, l'Iran, l'Irak et la Corée du Nord comme faisant partie de « l'Axe du mal », représente d'après un sondage téléphonique (commandé par le Guardian (Royaume-Uni) conjointement avec le Toronto Star et La Presse (Canada), Reforma (Mexique) et Ha'aretz (Israël), un grand danger pour la paix mondiale, pratiquement au rang des grands terroristes comme Oussama Ben Laden. 87 % des sondés considèrent le très « virtuel » Ben Laden dangereux pour la paix mondiale, Bush récolte 75 % ! Bush est perçu par l' « opinion publique occidentale » comme plus dangereux que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad (69 %), et plus dangereux que le chef d'État nord-coréen Kim Jong Il ou le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah (65 %), méprisé par les « démocraties occidentales ».
Un sondage effectué par téléphone (commandé par la Commission européenne) entre le 8 et le 16 octobre 2003 dans les 15 États de l'Union européenne, avait alors déjàmontré que 59 % des personnes interrogées, citoyens de l'UE, considéraient Israël comme le plus grand danger pour la paix mondiale. Le deuxième rang était allé àun « axe du mal » légèrement modifié, se composant de l**'Iran**, de la Corée du Nord et étonnamment des États-Unis avec 53 % ! . Le Président de la Commission européenne de l'époque, Romano Prodi, ignora ce sondage significatif suite aux critiques arrogantes d'Israël , car il savait que les résultats ne reflétaient pas « l'opinion » de la Commission européenne et n'auraient pas non plus d**'influence** sur sa politique au Proche-Orient. Ce sondage a été jeté aux oubliettes pour qu'Israël échappe àla stigmatisation. Mais une chose est incontestable : la réputation de l'administration états-unienne actuelle est tombée au plus bas.
L'économie états-unienne tourne le dos aux néoconservateurs.
La question cruciale que l'on se pose est de savoir où se dirigera dorénavant le navire de cette camarilla exaltée, de ces néoconservateurs qui voulaient dépouiller la planète et exporter la démocratie dans le monde sous prétexte de mener « la guerre contre le terrorisme », une guerre qui est en vérité « une guerre contre des sociétés et contre des communautés, une guerre qui a été élaborée cyniquement pour détruire entièrement des pays et des peuples » ? Cette « bande de monstres », comme l'a qualifiée en 2005 Youssef Aschkar, historien libanais et anthropologue, « un État dans l'État » qui s'est imposé dans toutes les fonctions clés les plus élevées des États-Unis, dans la société, les médias, les associations religieuse, au sein du Pentagone et du département d**'État** auxquels il dicte ses plans et ses projets.
Un des ennuis pour l'entourage de Bush est le fait que les trusts et les fédérations industrielles et économiques ont déjàmisé, fin octobre 2006, sur une victoire des démocrates et ils ont réexaminé leur relation avec l'establishment politique et diminué par précaution leurs dons financiers aux républicains de Bush. Le New York Times a rapporté que « les lobbyistes seraient déjàfortement occupés àrecruter les futurs hommes politiques prometteurs dans les rangs des démocrates » . Selon le journal, les dépenses pour les candidats républicains avaient diminué, entre le 1er et le 18 octobre, d'environ 11 % au profit des démocrates. C'est un changement comme on n'en avait pas vu depuis 1994. Même le trust d'armement Lockheed Martin qui fait parvenir 70 % de ses dons financiers aux républicains, a réduit au cours des premiers jours d'octobre ses dons au profit des démocrates ; ceux-ci ont reçu 60 % des dons de l'entreprise Lockheed Martin.
Ainsi, il n'est pas étonnant que quelques-uns des néoconservateurs qui avaient, en 2003, approuvé les justifications politiques de la campagne contre Saddam Hussein, aient déjàquitté (par précaution) début novembre 2006 le navire de guerre Bush, qui est en train de sombrer. Richard Perle, le porte-parole le plus important de la guerre contre l'Irak, a déclaré hypocritement àla revue Vanity Fair, qu' « il n'aurait pas soutenu la guerre contre Saddam Hussein s'il avait su àquel point le gouvernement Bush la mènerait mal. Après tout c'est le Président qui est responsable de cette débâcle » . Kenneth Adelman, conseiller politique en matière de sécurité du gouvernement, a même jugé que le gouvernement Bush s'est avéré être « d'une incompétence manifeste ; du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale ». David Frum, l'ancien auteur des discours de Bush, qui avait participé àla mise au point du discours sur « l'Axe du mal », a commencé àcritiquer ouvertement l'ancien boss pour lequel il avait travaillé auparavant avec dévouement. Il a déclaré que : « Même si le Président a prononcé ses discours, il semble qu'il n'ait pas saisi le sens des mots ».
Norman Podhoretz (né en 1930), légende vivante du néoconservatisme, un des pères fondateurs de ce mouvement, ne veut absolument rien savoir de tout cela. Il affirme dans son article du mois de septembre dans le Commentary que la doctrine de Bush vivrait encore longtemps ; tout n'est qu'un malentendu, une appréciation incorrecte de la personne du Président. Le néo conservatisme vit ; même si de plus en plus de collaborateurs disparaissent dans la nature.
(Courtoisie: Jürgen Cain Külbel-Reseau Voltaire)